mardi 7 janvier 2014

J'ai rencontré le Diable, enfin presque : j'ai rencontré Dieudonné !


Hier soir se tenait près de chez moi, dans la salle de sport municipale, un spectacle d'humoristes amateurs. Un thème était imposé : "Rire dans la diversité". Un truc à la Jamel Comedy Club, où des Rebeus montent sur scène pour vanner les Noirs, les Noirs pour se moquer des Asiatiques, et ainsi de suite. Ayant achevé la lecture de Guerre et Paix de Tolstoi et ne souhaitant pas m'avilir à regarder Benjamin Gates et le Livre des Secrets sur TF1, je décidai de m'y rendre, gai comme un pinson.
Plusieurs types se succédèrent laborieusement sur les planches : chacun débitait les meilleures anecdotes de ses années de collège et balançait une ou deux blagues sur les Portugais ou les Antillais. Puis vint le tour d'un homme dont l'aspect ne m'était point inconnu. Grand et massif, il semblait arborer une perruque et une fausse barbe qui masquait presque entièrement son visage au teint hâlé. Il portait un uniforme SS sous lequel on décelait un T-shirt frappé du symbole du Hezbollah. Une écharpe aux couleurs de la Palestine lui nouait également le cou. Enfin, des papillotes, pareilles à celles des Juifs orthodoxes, étaient comme collées aux semelles de ses Rangers...Mais oui, sans aucun doute, cet homme était Dieudonné ! Il était déguisé ! Personne ne le reconnut sauf moi.

Dieudonné débuta son sketch par une blague sur le pape et une autre sur les Noirs, toutes deux rapidement racontées. Puis il se mit à mitrailler la salle de blagues sur les Juifs. "Qu'est-ce qu'un Juif qui fait du bénévolat ?...Une légende, mouhaha !" ; "Pourquoi les Juifs ont-ils un grand nez ?...Parce que l'air est gratuit, mouhaha !" ou encore "Quelle est la différence entre un Juif et un rat ?...Aucune ! Les deux sont à l'origine de la peste, mouhaha !". Les réactions du public furent partagées : certains, essentiellement des jeunes, rirent à gorge déployée tandis que d'autres, pour la plupart de vieux gauchistes à collier de barbe, manifestèrent leur désapprobation. Heureusement, aucun Juif ne semblait être présent, ou du moins aucun membre de la Ligue de Défense Juive. Là encore, personne ne reconnût  le SULFUREUX Dieudonné .
Une fois sa prestation finie, l'ancien compagnon d'Elie Semoun fila sans demander son reste en coulisse. Je décidai de le suivre.
- Bonsoir Dieudo.
Mon impromptue salutation le fit sursauter. Il m'agrippa l'épaule pour m'éloigner et, l'index sur la bouche, prononça l'air roublard :
- Chuuuut ! Ne m'appelle pas par mon prénom, je suis ici incognito. Hé mais c'est toi Barbarossa ! Quel bon vent t'amène ?
- J'habite pas très loin. Je ne savais pas que tu te produisais dans cette salle.
- C'est la première fois. J'aime de temps à autre me produire sous un faux nom dans de petites salles telles que celles-ci pour faire du stand-up. Ca me permet de décompresser et de faire autre chose que mon spectacle au théâtre de la Main d'Or. Qu'as-tu pensé de mon petit sketch ?
- Très bien, même si je connaissais presque toutes les vannes. Tu as tapé un peu plus sur les Juifs que sur les autres, non ?
- Ah ben ce n'est pas le peuple élu pour rien, hein !

Dieudo, simple comique

Il ponctua sa pirouette verbale d'un grand éclat de rire. Nous nous dirigeâmes vers sa loge. Quelques images décoraient la petite pièce mal éclairée : une photo de Ben Gourion à la Knesset avec un pénis griffoné sur le front, un dessin représentant un rabbin dévorant un bébé palestinien ou encore un portrait de l'ayatollah Khomeini cerné de petits coeurs. Je ne pouvais qu'en féliciter Dieudonné :
- Sympa la déco.
- Merci. Tu veux boire quelque chose ? Il n'y a pas de boissons sionistes ici, rien que de l'eau.
- Ah dans ce cas, je prendrai de l'eau. Tiens d'ailleurs, tu n'as pas parlé de sionisme dans ton sketch, cela m'étonne.
- Car ce n'était pas le lieu, vois-tu. Le but ce soir était de rire de la diversité : des Arabes, des Noirs, des Blancs, des Asiats, des Ashkénazes, des Sépharades, des Mizrahims, des Falashas...
- Tu n'es pas sans savoir que beaucoup considère que ton antisionisme est le cache-misère de ton antisémitisme.
- Moi antisémite ? Mouhaha ! C'est impossible, mon médecin est Juif marocain et mon avocat a un grand-père qui est mort à Auswitch ! Pourquoi m'accuse-t-on d'antisémitisme ? Parce que je fais des blagues sur les Juifs et la Shoah ? Oui, c'est vrai j'en fais ! Mais je n'épargne personne, tout le monde en prend pour son grade : Juifs, musulmans, chrétiens, bouddhistes, sodomites, j'en passe et des meilleurs ! N'en as-tu pas eu la preuve ce soir ?
- Il est vrai, mais reconnaît que les Juifs ont droit à traitement spécial.
- C'est plus marrant de taper sur eux que sur les cathos, personne ne s'y colle ! C'est mon côté provoc' ça, tu me connais ! Je reste avant tout un HUMORISTE, un simple amuseur public.
Pour joindre l'acte à la parole, il entama une imitation de Bourvil : il rejoua la fameuse scène de l'accident de voiture du Corniaud.
- Ah non, ben elle va marcher beaucoup moins bien maintenant ! Sale sioniste ! T'as cassé ma voiture ! Prend-toi une grosse quenelle ! Vendu au CRIF ! Et bien profonde celle-ci !
Il éclata de rire en multipliant les quenelles avec une vélocité rare.
- Tu vois Barbarossa ! Je ne suis qu'un trublion ! Mon truc c'est l'humour ! Attention, tiens-toi prêt : happening !
D'un coup, il ouvrit sa braguette et pissa généreusement dans une petite poubelle placé dans un coin de la loge sur laquelle était grossièrement peinte une étoile de David.
- Tu n'es donc ni un antisémite ni militant politique ? Juste un humoriste ? lui demandai-je.
- C'est ça mouhaha ! Un humble comique troupier, hurla-t-il complètement hilare en entamant une série de claquettes. Je ne te cacherai pas que j'ai une certaine sensibilité antisioniste et que, pour cela, je reçois un petit coup de pouce financier d'amis iraniens -mais chuuuuuuuuuut ça reste entre nous !
- N'aie crainte, je resterai muet comme une tombe. En même temps, il suffit de faire un tour sur Youtube pour voir ça :


- Oui, mais ce n'est pas ma meilleure vidéo -j'entends par là que ce n'est pas celle qui a fait le plus de vues. D'ailleurs, Barbarossa, tant que je te tiens, pourquoi ne rejoins-tu pas le combat contre le sionisme ! C'est une noble cause ! C'est la lutte de toute une génération ! Je suis en train de lever une petite armée pour éradiquer ce fléau de France.
- Ah non merci, très peu pour moi. Le conflit isréalo-palestinien me préoccupe autant que la guerre civile somalienne ou l'insurrection islamique aux Philippines. Ca m'en touche une sans faire bouger l'autre. D'ailleurs, je sais même pas ce que c'est que le sionisme. Personne ne le sait vraiment au fond.
- Quoi ??? Mais le sionisme c'est c'est...c'est le mal ! C'est le sionisme qui a tué le Christ, qui a causé la chute de l'Empire romain, qui a brûlé les Templiers, qui a déclenché les Croisades, la Révolution française, les deux Guerres Mondiales, le génocide des Palestiniens, la mort de Michael Jackson, le réchauffement climatique et la blennorragie !
Tandis qu'il essayait de me convaincre de le rallier à sa cause, Dieudonné baissa son pantalon, s'accroupit puis déféqua bruyamment dans la poubelle à étoile de David dans laquelle il avait uriné. Tout en menant son affaire, il éructa :
- LE SIONISME C'EST LE DIAAAAABLE !!!
Je profitai de son extrême concentration pour filer à l'anglaise. Je sortis quelque peu décontenancé de la salle de sport municipale. Regagnant mes pénates, j'entendais Dieudonné hurler au loin. Alors me dis-je en mon for intérieur : je n'ai pas appris grand chose ce soir, j'aurai mieux fait de regarder Benjamin Gates.

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