mercredi 9 octobre 2013

Comment Msn aura marqué une génération



S’il est une chose que les internautes n’oublieront pas, c’est celle qui aura réussi à marquer de son empreinte forte une génération entière de jeunes et moins jeunes personnes, qui, dans les tréfonds d’Internet, auront eu la chance, l’honneur, que dis-je, le privilège de connaître à une certaine époque l’engouement qu’avaient des millions d’autres personnes à l’égard du célèbre logiciel de messagerie instantanée, MicroSoft Network, aka MSN. Oui, nous allons aujourd’hui nous pencher sur le célèbrissime msn, la boîte de messagerie qui permettait à une époque de communiquer à travers le monde entier, en instantané. Je vous parle d’un temps que les moins de deux ans ne doivent pas connaître, et ne connaîtront, hélas, jamais.

Msn, quelle ne fut pas ma surprise lorsque, épris d’une vague de nostalgie, je m’enquis de rassembler un florilège de souvenirs sur une page blanche. Peu à peu, les mots me venaient tel un psychopathe névrosé, marquant d’une écriture sombre toutes les expériences de cette époque, ressassant les histoires rocambolesques d’une vie antérieure, oubliée, cachée dans les méandres de ma mémoire. La feuille blanche se remplit rapidement d’innombrables points, tirets et autres alinéas. Il y a tellement de choses à dire que je ne pensais jamais pouvoir en trouver le bout. Et pourtant.

Tout commença à l’aube de mes 12 ans, lorsque, pour la première fois de ma vie, je découvrais l’univers d’Internet et sa magie. A cette époque, un jeunot de mon acabit, pourvu d’un nouvel outil extraordinaire qu’était le Net, la seule idée qui me parvenue fut celle de trainer mes doigts sur un clavier, et écrire des absurdités sur des chats en ligne. Oui messieurs dames, ne rougissez pas, vous vous reconnaissez là ! Que celui qui n’a jamais eu l’audace de se rendre sur un site de conversation en ligne pour foutre la merde en écrivant des conneries me jette le premier wizz (Bim !). Vous savez, ce bambin euphorique qui ne cesse de se répéter, spammer les salons et importuner de pauvres individus inconnus, c’était moi. C’était vous.

Arriva alors, comme porté par une aura divine, amené à travers les nuages du fond d’écran de Windows 98 (oui je sais, le fond d’écran était un bleu pétant uniforme, mais avec un peu d’imagination, on voyait les nuages, si, si !), une icône célèbre portant le nom de Msn Messenger. A cette époque, il s’agissait de la version 2.0, bien entendu personne ne savait ce qu’il y avait avant. Le NET Messenger Service, c’était comme une révélation, un paradis sur Terre, une apothéose de sens, le logiciel originel. La légende raconte même qu’il n’existait aucune vie avant lui – à part peut-être la version 1, mais oublions la rapidement je vous en prie…

C’est alors que l’aventure commença. Chers lecteurs (et chères lectrices, ne me demandez pas pourquoi le féminin est toujours entre parenthèse, certainement un décret machiste du XXème siècle), je vous propose, qu’ensemble, nous rassemblions les souvenirs mémorables et inoubliables de cette époque où, pour la première fois, nous double-cliquions sur cette icône, rentrions nos identifiants, et ajoutions nos premiers « contacts » (car oui, à cette époque on appelait un chat un chat, on ne faisait pas croire aux autres qu’on avait des « amis », comme sur un certain réseau social que nous éviterons de fustiger ici même).

Préparez-vous… à l’incroyable odyssée de… MESSENGER ! Woooooh ! Zweeee ! Caméra en plongée, fondu au noir, musique épique et tambours de guerre ! (Je mets un peu d’ambiance pour rendre tout ça un peu épique parce que sinon vous allez vite décrocher, bande de vieux décrépis).

La Révolution des Wizz

En l’an de grâce 1999, naquit ce petit logiciel dans les contrées sombres du monde de Windows. Les habitants étaient de simples péons, tous vêtus d’une simple tunique bleue opaque, alignés les uns sur les autres, rangés en une liste interminable. Lorsqu’ils étaient en sommeil, les habitants revêtaient une tenue pourpre tirant vers l’ocre, et étaient propulsés en bas de la liste, afin que personne ne les dérangea.

Chacun conversait dans son coin, discutant de choses à d’autres, de la vie, de la pluie et du beau temps, tantôt avec Ginette la voisine du 4ème, tantôt avec Jean-Rachid, le pote du collège que l’on avait vu une fois, et à qui on avait piqué un jeu vidéo dont on était sûr et certain qu’on ne lui rendrait jamais. D’ailleurs, ce fameux Richard ne nous ne lâchait pas la grappe, et utilisait une arme redoutable afin que nous ployions et cédions à ces menaces.

« Rends-moi mon GTA bordel ça fait 3 semaines que tu l’as, en plus t’as même pas de play ! »

Disait-il, hargneusement, en ponctuant ses phrases de trouzmille points d’exclamation, accompagnés du chiffre 1. Bien entendu, texto, ça donnait ça : « rend moi mn gta bordel sa fé 3 smaine ke tu la en + ta mm pas de play fdp jte pete la geule a la récré !!!!!!!!!!11 ». Moins glorieux, oui, mais c’était l’écriture de l’époque, il fallait s’y faire. Et tandis que l’élite d’msn trouvait de nouveaux moyens de converser avec ces individus en inventant les ‘moua’ pour ‘moi’ ; ‘yoplaboum’ pour ‘bonjour’ ou encore ‘quoua’ pour ‘quoi’, arriva cette arme maudite, qui fit des ravages dans la localité de Messenger : le Wizz !

Le Wizz, expérimenté pour la première fois sur une route d'un pays lointain.

Le wizz, c’était un peu l’outil préféré des kikoo, il pouvait être spammé, utilisé sans abus, voire même devenir indigeste. Notre ordinateur tout entier se mettait à vibrer, et la fenêtre de la conversation apparaissait au-devant de toutes, avec une liste incommensurable de wizz envoyés telle la frénésie d’un tueur en série lorsqu’il découpe sa victime. Autant dire que lorsque l’on était dans quelque chose d’important, ou lorsque l’on avait mis le son à fond, le « twingeling ! » surprenait quelque peu. S’ensuivait alors un contre-wizz, envoyé pour se venger, lui-même suivi d’une attaque d’environ une bonne centaine de wizz, juste histoire d’être sûr d’achever son adversaire.

Les wizz, c’était la peste pour ceux qui en recevaient, mais le bonheur absolu pour ceux qui en envoyaient. C’est comme si un bambin avait en main le bouton d’une arme atomique et s’amusait à cliquer dessus à plusieurs reprises histoire d’être bien sûr d’envoyer sa bombe. Quant à Jean-Rachid, il me suffisait de le bloquer, simplement, pour ne plus recevoir ses notifications. Bon sang, le nombre de personnes que j’ai bloquées dans ma vie… Et un blocage, à l’époque, c’était l’équivalent littéraire du « ferme ta gueule », tout en n’offrant aucune chance de se rattraper à son interlocuteur. Tant et si bien que parfois, on le débloquait le temps de lui décrocher une bonne grosse insulte en majuscules, pour le rebloquer derrière, et le laisser rager dans sa petite fenêtre de conversation. Héhé, oui j’étais assez diabolique.

Arriva alors la bénédiction. La fin de la période des wizz se déclencha lors de l’arrivée de la version 7.0, lorsque les wizz ne pouvaient plus être spammés, et devaient être décalés d’une bonne dizaine de secondes avant de pouvoir marcher de nouveau. La 7.0, c’était non seulement la fin de la révolution des wizz, mais également l’arrivée d’une toute nouvelle ère.

Le Cochon qui Danse

Ah ! Quelle joie de voir débarquer sur msn les fameux winks, les publicités pour les packs d’émoticônes sur lesquelles seules les petites pucelles de 14 ans cliquaient pour débloquer le smiley en forme de cœur et pouvoir l’envoyer à son petit amoureux chéri, pour la modique somme de DEUX EUROS ET QUATRE VINGT DIX NEUFS CENTIIIIIIMES DANS TON CUL LES PARENTS ! Mais aussi, et ce fut alors la véritable raison pour laquelle nous nous rendions régulièrement sur msn : l’outil de l’encre digitale, avec la possibilité de faire… tenez-vous bien : des dessins (de fesses !) Génial non ? Envoyer un arrière train virtuel en train de déféquer à un parfait inconnu, ça n’a pas de prix.

Les winks, c’était les fameuses images animées envoyées depuis la fenêtre de conversation, qui duraient approximativement quelques secondes (c’est précis, oui, je sais). La plus célèbre d’entre elle, et non des moindres, est ce fameux cochon dansant, tombant du ciel et finissant par montrer une posture équivoque, plus ou moins malsaine selon les esprits. Il s’agissait là bien évidemment de la réincarnation du wizz, puisqu’il n’y avait rien, et je dis bien rien, de plus énervant que cela.



Cette époque est également l’époque durant laquelle les contacts devenaient de plus en plus nombreux. De 50 on passait à 100, et de 100 on arrivait rapidement à plus de 200 (je n’ai jamais dépassé les 250 contacts pour ma part). Il fallait donc réorganiser notre armée, et nous pouvions les trier par groupes, famille, amis proches, camarades, connaissances, personnes rencontrées sur un site de rencontre, amoureux de flammekueche, bref. Tout était permi, car on pouvait nous même définir les noms des groupes. Je me souviens d’ailleurs que j’avais un groupe « B00B5 » dans lequel je mettais… enfin vous avez compris quoi. C’était mon petit vice.

Délire, Drague et Diffamations

Plus qu’un logiciel de messagerie instantanée, il faut comprendre ce qu’est réellement msn dans ses fondements même, en explorant les recoins les plus profondément ancrés de son mécanisme. Les cerveaux jeunes que nous étions à l’époque – si j’ose utiliser le terme ‘cerveau’ – n’avaient alors jamais expérimenté cette conversation insolite avec des inconnus. Les réseaux sociaux n’étaient pas aussi répandus qu’aujourd’hui, nous sommes en 2005, seulement 1 an après l’expansion massive des jeux en lignes, des forums communautaires de fans d’Harry Potter ou des jeux de simulation d’équitation avec ‘élève ton poney en ligne point com’.

En ce temps, mIRC et MSN étaient de véritables maîtres, 4chan n’avait alors que 2 ans d’existence, 9gag n’existait même pas et n’était pas prêt de voir le jour. Internet était un vaste réseau sans foi ni loi, où se disputait d’immenses batailles de qui qu’aura la plus grande illégalité. Radioblog existait encore et n’avait pas été dévoré par Deezer,  Coucoucircus était libre de diffuser gratuitement les musiques de nos génériques de dessins animés préférés, les Skyblogs proliféraient telle la peste et étaient de véritables miroirs de notre société de dégénérés. Si j’insiste sur toutes ces particularités, c’est pour souligner le caractère libertaire, voire hors-la-loi du net de notre enfance.

Un tout nouveau monde s’offrait à nous, ainsi qu’aux générations antérieures. Les adultes discutaient avec les jeunes, les jeunes insultaient des personnes qui avaient l’âge de leurs parents, les adolescents draguaient sur msn et cherchaient à avoir le plus grand nombre de contacts, tandis que les plus jeunes encore se battaient à coup de wizz ralentis, déjà victimes d’un retard générationnel, découvrant seulement les fonctionnalité de la messagerie avec leurs amis, échangeant des mots atrocement orthographiés. Ce monde n’a plus rien à envier à celui que nous connaissons aujourd’hui.

Salon "Politique" sur mIRC, peu après l'arrivée de Jean-Rachid

Ce monde de l’internet, c’était celui de l’absolu tout et de l’absolument dantesque. Les propos racistes, xénophobes, sexistes, sectaires étaient courants. Les insultes volaient à tout va, le web n’était surveillé que par des chiens de garde appelés modérateurs et admins, mais une fois sur msn, la parole était libre, et tout pouvait être dit dans le plus grand des secrets. Diffamations sur diffamations, il était possible de lire les choses les plus ignobles tant sur la société que sur les relations entre individus. D’ailleurs, beaucoup se lâchaient et n’hésitaient pas sur le vocabulaire. Si vous trouvez les débats d’Internet violents, aujourd’hui, en 2013, vous n’avez jamais, ô grand jamais lu un débat sur IRC en 2004. A côté de ça, les sections commentaires de Youtube, c’est de la gnognotte !

La débauche semblait être le maître mot d’msn. Mais ce n’était que pour les écervelés, car msn, c’était aussi l’ouverture à un tout nouvel univers…

Une Fenêtre sur le Monde

Si msn nous donnait le champ libre pour converser avec n’importe qui, il nous permettait également de faire d’incroyables rencontres. C’est ainsi qu’il était possible de discuter avec des francophones ou internautes parlant des langues étrangères, et d’échanger avec eux sur les coutumes de leurs pays. Plus qu’un logiciel de conversation social, il devenait une ouverture sur le monde et nous permettait de découvrir les habitudes d’autres pays, d’autres contrées. Il était possible, en rentrant de l’école, le soir, de discuter avec son ami à l’autre bout du quartier, son ancien pote à l’autre bout de la ville, son cousin à l’autre bout du pays, et son correspondant à l’autre bout du monde.

Cette opportunité était alors la porte grande ouverte aux débats plus ou moins sérieux que pouvaient avoir des jeunes. Dès 14 ans, je discutais avec des personnes de 16 ans, d’autres de 18. Ainsi msn offrait l’opportunité de converser avec des individus plus matures, mais restant tout de même dans le même état d’esprit, dans cette belle jeunesse innocente et aventureuse. Ces nombreuses heures à parler de problèmes divers, à découvrir des choses sur la vie auxquelles on n’aurait jamais penser autrement qu’en poursuivant le cursus scolaire. Ces journées entières à partager, à se confesser, ou à trouver une échappatoire.

XxX_Kristof_KolomB_XxX, découvrant la fonction "Discussion de groupe" sur Msn

Car ce fut cela également, qu’apporta msn à cette jeunesse. Et pas n’importe quelle jeunesse, car il s’agit là de la génération qui naquit avec internet, grandit avec lui, et mûrit dans le même temps. Si dans plusieurs années nos enfants seront capables de « surfer » sur la toile (dieu que je hais cette expression), ils n’auront pas cette même notion de découverte que nous avions. Ils n’auront pas cette chance de vivre dans un réseau régi par les seules lois de l’anarchie et du bon sens, car la législation du net n’a que récemment fait quelques avancées, et encore…

Ainsi, sur la toile, et particulièrement avec nos conversations msn, on découvrait la politique, les problèmes de notre société, mais également le sexe, on apprenait, on se renseignait, en catimini, de telle sorte à ce que nos parents ne découvrent pas nos conversations coquines avec la voisine de classe en 5ème 3. Les tabous étaient levés, plus facile d’écrire des mots que de les dire. La rougeur de nos joues faisait place à un smiley souriant, confiant, plein d’assurance. Et une fois retrouvés dans l’établissement scolaire, bien évidemment, la timidité reprenait le pas, mais le secret était là, et la complicité pouvait se perpétuer à mesure que le temps passait.

Outre cette beauté de la découverte de soi et de l’autre, et ce besoin incessant de discuter avec des personnes plus intelligentes que la bande de puceaux qu’on était, msn offrait la joie de voir son meilleur pote ou notre « crush » sur une webcam. Ah ! Msn, quelle nostalgie… (non, je ne suis pas du tout en train de penser à une histoire personnelle, pervers que vous êtes !).

Mais ce n’était pas seulement ça, qui faisait la magie d’msn.

L’Hérésie, puis l’Apogée

Nous sommes en 2006, Messenger, devient Windows Live Messenger, le fameux WLM. Autant dire qu’après la sortie de la 8.0, j’avais peur d’installer les mises à jour, et n’ai jamais trouvé de meilleure version que la 7.5, qui, à mon goût, reste et restera toujours la meilleure version jamais réalisée encore à ce jour. La 8.0 fut une véritable hérésie pour les msniens que nous étions. D’abord un changement radicale dans le design, ensuite l’ajout de fonctionnalités inutiles, pour le prétexte de toujours ajouter des fonctionnalités, toujours et encore plus et plus encore ! Poussant le vice jusqu'à une version incroyable de 16.4 ?!

CECI ! EST ! un jeu social. Ok ?


Bref, l’hérésie de la 8.0 sera vite rattrapée par la 8.5, qui restera décente, et bien mieux ergonomique. Peut-être l’habitude, ou l’impossibilité d’être rétro-compatible avec les versions précédentes. Les adresses vont alors s’entremêler, entre les msn.com, les hotmail.fr, et les live.com, chacun pourra affirmer appartenir à une époque en fonction de son adresse. Bien évidemment, les meilleurs étant les vieux de la vieille, les msn.com… moi par exemple. Bim, dans votre face petits larbins ! Ahem... 

Cela ne s’arrête pas là. Car durant la période de 2006 à 2009, msn est à son apogée. Les personnalisations sont monstrueusement nombreuses. Il est possible de mettre des avatars animés, de colorer nos fenêtres, d’y ajouter des fonds d’écrans. Et ne restait plus qu’à posséder Messenger Plus !, un outil permettant d’insérer le BBCode à nos pseudos, et donc de les colorer et y faire apparaître les caractères spéciaux. C’est alors que l’on découvrait un tourbillon de pseudos et de comportements uniques à msn. Attention, c’est d’anthologie, et vous allez certainement y reconnaître certains de vos anciens contacts :
  • Cïcé’RôNdCé’PakaRrë UësH’el’teSh, aka le drogué avec les symboles ésotériques et accessoirement, le smiley d’une cigarette en petit bonus, histoire de mettre la cerise sur le gâteau, qu’on comprenne bien qu’il fume, mais pas que du tabac.
  • Le métalleux avec une adresse mail déjà bien dark pour commencer, du genre : darkkillerdeadmetal. Ensuite, un avatar bien sombre, ou représentant un groupe obscur de satanistes locaux (ou un symbole nécromancien au choix). Il écrit avec une police d’écriture en gothique, noire de préférence, en gras italique pour souligner le côté hipster.
  • La bimbo avec tous ses cœurs. Besoin d’en rajouter ? C’est celle qui écrit rose, utilise trouzmillions de smiley pour ponctuer ses phrases, et termine toujours par… Attention : (L)(K)(F) ! Allez, les connaisseurs, petit exercice pour vous faire rappeler ce que représentent ces smileys.
  • Les victimes de la mode des pseudos uniformes, en gras, avec une première lettre en caractère spécial, pour souligner qu’on est sobre, mais original quand même. Parfois, des symboles avant et après le pseudo. Du genre ++[>> Kiki<<]++. Ça n’a aucun sens, mais c’était classe.
  • Le reclus social, solitaire de surcroît, qui se met hors-ligne pour faire croire qu’il est trop spammé pour se mettre en ligne, et prétend avoir lui-même, seul le droit de t’adresser la parole quand il veut. Amenant des situations plus ou moins cocasses du type :


-          Kiki (hors ligne) a écrit : Salut !
-          Coco : Hey pourquoi t’es HL ?!
-          Kiki (hors ligne) a écrit : Pour pas qu’on sache que je sois connecté !
-          Coco : Quoi, t’es recherché par la NSA ?!
-          Kiki (hors ligne) est maintenant en ligne.
-         Kiki a écrit : BON OK J’ME CO MAIS SI JAMAIS ON ME PARLE C SRA DE TA FAUTE ET JE TE BLOQUERAIS ESPECE DE PETIT CON OK ????!!!
-          Coco : Euh… ok ?
-          Kiki est maintenant hors ligne.
-          Coco : Kiki ?
-          Coco : Kiki ?!
-          Coco : Putain il m’a bloqué l’enfoiré !!

Le Déclin

S’entame alors le véritable déclin de l’empire MSN. La chute d’une institution vieille d’une décennie. Msn connaîtra à partir de 2009 autant de version qu’il existe de kebab dans une grande ville. Ajoutant fonctionnalités sur fonctionnalités, devenant peu à peu dépassé par son concurrent Skype, msn sera forcé de courber l’échine et d’abdiquer devant le pouvoir toujours grandissant de Facebook. Msn est également attaqué par d’autres sites tels que Meetic, et plus tard par Twitter, Instagram, ou même Pinterest. Aujourd’hui, ces derniers sont devenus les véritables maîtres du net, tous asservis à la pieuvre de Facebook.

Skype, assassinant de sang froid le roi MSN. 

Devant tant de désespoir, les habitants d’Msn quittèrent leurs domaines pour rejoindre des contrées plus riches de mondes et de jeux (et de boobs aussi, mais ça c’est une autre histoire). Msn sera peu à peu déserté. Des jours où l’on pouvait voir plus d’une cinquantaine de personnes connectées en même temps, dialoguées avec plus de 5 personnes dans la même conversation, il ne restait plus que des miettes. Des bribes de souvenirs. Les champs étaient peu à peu désertés. Le groupe des B00B5 n’avait plus personne en ligne depuis plusieurs mois. Et seuls quelques irréductibles restaient sur le messenger, dans l’espoir de revoir grandir la flamme de leur jeunesse.

Mais déjà tout n’était plus comme avant. Les publicités étaient de plus en plus nombreuses. Les blogs msn se tournaient de force vers Wordpress, les messageries tournaient sur Outlook et Skype était le logiciel utilisé des anciens msneurs tels que nous. Nous voulions retrouver l’euphorie des premières heures, mais savions que nous n’avions plus la force de nous battre comme dans notre jeunesse. J’avais 17 ans lorsque, presque contraint, je me résous à quitter, moi aussi, ce royaume en ruine. Je rejoignis Skype, comme beaucoup de mes confrères, et retournait de temps en temps effectuer quelques salutations dans mon vieux domaine, comme pour encourager les intrépides survivants du cataclysme, tout en sachant qu’eux aussi finiraient par sombrer.

C’est alors qu’en l’an 2013, on déclara qu’msn n’existerait plus. Et ce fut fini. Terminé. Game over. A pu msn. Des années et des années de nostalgie. Toutes ces joies, ces tristesses. Msn était un exutoire social, il nous permettait d’avoir des confidences avec des inconnus, nous ouvrait l’esprit et nous façonnait la pensée, c’était un réseau social réel, car les interlocuteurs avaient des réactions humaines, colériques, taquines, chiantes, sympathiques. Ce n’était pas ce simili d’interaction pseudo-sociale, couplée à cette quête perpétuelle de l’appréciation virtuelle, quantitative avant tout, et non qualitative. Les gens recherchent le chiffre, le plus de clics, le plus de « j’aime » !

L’échange direct n’est plus, ou l’est moins qu’avant, on ne fait que tourner la molette d’une souris en regardant des photos, pensant découvrir le monde, alors que l’on ne fait que survoler la toile, tournant pages sur pages. On se voile la face, la face cachée du livre…

En ce qui me concerne, Msn a su marquer toute une génération. Cette joie de voir nos amis, nos amours apparaître sur un son cristallin en bas à droite de notre écran. Cette joie d’entendre le son caractéristique d’un message reçu, le célèbre « Tututu ! ». Cette joie de voir la couleur d’une fenêtre sous Windows XP clignoter de l’orange au bleu. Cette joie de voir tout ce monde connecté dans le seul but de discuter, délirer, déprimer, déchanter, dérailler. Cette joie d’avoir des dizaines de conversations à suivre en même temps, de se sentir connu, se sentir voulu, se sentir en contact virtuel mais direct avec les autres.

Cette joie tout simplement, d’avoir connu Msn en ses heures de gloires, d’avoir grandi avec, de l’avoir vu naître, de l’avoir vu mourir. Cette joie, toute bête, de repenser au son caractéristique d’une connexion d’un contact. Nostalgie, quand tu nous… 

Tak Castel est maintenant hors ligne.

2 commentaires:

  1. D accord a 200%. Tres bien rédigé.

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  2. Magnifique, je m'y retrouve beaucoup. Une sacrée nostalgie me vient en y repensant et en vous lisant.

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