mardi 1 octobre 2013

Chronique de France - Le soir où je me suis battu avec un travelo


C'était hier matin. J'étais en train de laver mes fenêtres, vêtu simplement d'un caleçon Bob l'éponge, quand mon portable sonnât. "Allô Barbarossa ? C'est Juju ! Bien ou bien ? - Ouais nickel. Mais tu sais, t'es pas obligé de t'annoncer, 'y a ton nom qui s'affiche quand t'appelles". Agé de 29 ans, Juju est un fringant jeune homme, silhouette élancée, tchatche invétérée et énergie survitaminée compris dans le package.  Il fait parti de la catégorie "bout-en-train" de mes amis. Rencontré il y a plusieurs mois de cela dans un rhumerie chauffée à blanc, le garçon m'est rapidement devenu sympathique lorsque, après quelques paroles d'ivrognes péniblement échangées, il dégobilla sur le comptoir une quiche aux dimensions gargantuesques. Je me souviens m'être alors dit : ce type ne peut pas être un mauvais bougre. Pour preuve, nous finîmes la soirée complètement ivres dans le parc zoologique municipal, quelque part entre des kakatoès blancs et des tortues de Madagascar.


Bref, Juju m'exposa l'objet de son appel :
" Ha ha ha ! Je t'emmerde, p'tite bite. Parlons peu mais parlons bien : ce soir fiesta au MacArthur Pub ; 'y aura de la gazelle : Soph', Erika et Babeth. Opé mec ?
- Opé, tête de gland.
- Voilà de belles paroles. Je passe te prendre en caisse à 21h30."
Et comme convenu, Juju déboula à l'horaire fixé au volant de sa rutilante 306, pile devant ma porte d'immeuble. Je m'y engouffrai sans me faire prier. Juju avait les yeux passablement rougis.
" Putain, t'as déjà commencé à picoler ?!
- Ben ouais tu m'étonnes, j'ai pris un petit apéro.
L'autoradio était branché sur RMC. Un journaliste abordait le problème de la pression fiscale qui ne cesse d'augmenter. Juju éructa :
" Aaaargh ! Salauds de socialistes !
Vous l'aurez compris, Juju est un homme de droite. La moindre évocation des mots "gauche", socialiste", "rose" et, pire, "communiste" déclenche en lui une réaction épidermique. Il se met alors à vitupérer avec une intransigeance qui frôle la monomanie, voire la connerie. Même Manuel Valls ne trouve grâce à ses yeux. S'affichant de tendance anarcho-libertaire, davantage que conservatrice, Juju aime à répéter tel un mantra qu'il "revendique le droit de mener sa vie comme bon lui semble et de ne pas se faire emmerder...surtout par l'Etat !"

L'envoi de chars rouges sur les Champs-Elysées reste une menace sérieuse

Une fois arrivés au MacArthur Pub, nous éclusâmes une quantité non négligeable de pintes tout en dissertant sur le démantèlement de l'arsenal chimique syrien, la crise interne chez Europe Ecologie-Les Verts, la sortie de l'intégrale remasterisée des Clash, l'élection de Miss Monde et la pertinence de la pratique du cunnilingus. Nous en oubliâmes presque la venue de nos trois camarades de la gent féminine ! Ce fut quelques chopes plus tard que Sophie, Erika et Elizabeth débarquèrent toutes rieuses et pimpantes.
Le MacArthur était plein à craquer. Sans en avoir l'air, j'avais repéré une belle blonde, bouche pulpeuse et nez joliment retroussé, assise au milieu d'un petit groupe de damoiselles près du comptoir. Bien décidé à l'aborder, je m'élançai avec fougue -bien aidé par l'alcool.
" Bonsoir !
Elle se retourna, me fixa puis me rendit mon bonsoir l'air mi-amusé mi-intrigué. Elle semblait également ivre, mais beaucoup moins que moi.
- Moi c'est Arturo.
- Quoi ? Toi, tu t'appelles Arturo avec ta barbe rousse et tes tâches de rousseur ?
Et prend ça dans ta gueule. C'est pas grave, j'encaissai.
- Ouais Arturo, Arturo Bandini. C'est italien.
- T'as plus une tête d'Irlandais que d'Italien.
- L'habit ne fait pas le moine. Je suis écrivain.
- Hein ?
- Je suis écrivain. C'est moi, Arturo Bandini.
- Quoi ? Mais tu racontes de la merde !
- Espèce de béotienne.
- Quoi ? Tu m'as traité de quoi ?
- Béotienne !
- Mais...je je t'emmerde, pauv' type !
- Le train de tes injures roule sur le rail de mon indifférence.
- Quoi ???
Soudain, surgit de nulle part une voix teintée d'agacement :
- Laisse tomber Virginie. Il est bourré, c'est un relou ce mec.
Je tournai ma tête et mon regard se posa à grand-peine sur la personne à l'origine de ces audacieux propos. De prime abord une femme, blonde elle aussi -carrément platine même- et assez bien gaulée. En me concentrant, et ce malgré les vapeurs d'alcool qui brouillaient ma vue, l'évidence me sauta aux yeux. La blonde était un travelo. En effet, elle ressemblait à Amanda Lear avec trente ans de moins. Imaginez ma joie : je n'avais jusqu'alors jamais vu de travesti de si près. Attisé par une curiosité sans nom, j'approchai cette Amanda Lear cuvée 2013.
- Hé, t'es un travelo ?
Stupéfaction totale de la pseudo-Amanda. Qui laissa vite place à la fureur.
- Mais va te faire enculer connard !
Les deux blondes et leurs copines se levèrent d'un bond, ramassant en toute hâte vestes et sacs à main. Impossible pour ma part d'en rester là.  J'insistai :
- Non mais c'était pas pour t'insulter que je disais ça. J'ai rien contre les travelos, j'ai déjà vu des reportages sur NRJ12 qui...
Amanda se retourna subitement et m'interrompit en hurlant :
- Putain, lâche-nous pauvre merde, ça va mal se passer pour toi, j'te préviens !!!
- Laisse-moi juste vérifier un truc, je veux simplement...
Et tout en tentant de maintenir le contact, je fis sans crier gare un saut de cabri vers elle et lui toucha l'entrejambe afin de vérifier si oui ou non elle possédait un service trois pièces. Amanda n'apprécia que moyennement.
- Aaaaaaaah !!! Non mais ça va pas !!! Il m'a touché la chatte ce malade !!!

Attention, ça va saigner !

Elle en a resta pétrifiée de colère. Tous les regards se tournèrent vers nous. J'en étais fort embarrassé et en voulait beaucoup à Amanda, moi qui fait de la discrétion un art de vivre. Elle ne sembla pas en tenir rigueur et, visiblement furieuse, renchérit en criant de plus belle :
- Hamid !!! Hamiiiiiiid !!! Viens casser la gueule à ce fils de pute !!!
A ce véritable coup de tocsin, un type posté au fin fond du pub se mit en marche vers notre position avec une détermination admirable. Toutefois, sa progression était fortement ralentie par la foule compacte amassée autour d'Amanda, écarlate de colère, et de moi-même -ses copines ayant filé à l'anglaise.
- Pffff, tu crois qu'il m'fait peur ton pote ? Il est vigile chez Tati.
- Ta gueule, fils de pute !!! Il va te casser la gueule, sale fils de pute de merde !!!
Je ne goûte guère aux insultes, surtout lorsqu'elles sont dirigées à mon endroit et qu'elles concernent ma mère. J'admets avoir rechigner une demi-seconde à le faire, mais à notre époque de parité et de partage des tâches ménagères, je mis sans scrupule une bonne claque à Amanda.
Sur ces entrefaites, j'aperçus Hamid qui se reprochai dangereusement. Je pris la mesure de la menace : si, de loin, le gaillard passait pour un être inoffensif, il ressemblait de près à un semi-remorque avec des dents -très énervé de surcroît. Courageux mais pas téméraire, je pris mes jambes à mon cou.
- Jujuuu !!! Vite on se casse !!!

Ne vous fiez pas aux apparence, les travestis sont dangereux

Juju rappliqua aussitôt dans une démarche des plus chancelantes. Bourré comme un Polonais, il faisait peine à voir : ses yeux étaient injectés de sang, de grosses gouttes de sueur perlaient sur son front et de vastes auréoles de transpiration s'étendaient sur sa chemise H&M. Le malheureux me suivit tant bien que mal sur quelques mètres puis se stoppa net. Ses joues se gonflèrent, son corps tout entier s'inclina brusquement en avant et de sa bouche jaillit une formidable gerbe de substance toute liquide. Lancé à nos trousses tel un chien de chasse, Hamid glissa sur la flaque de vomi et s'étala de tout de son long. Sa mâchoire claqua violemment sur le sol. Face à ce pitoyable spectacle, Amanda, qui elle-même suivait Hamid, poussa un hurlement d'effroi à crever les tympans. Prise d'une ire digne de seul Dieu le Père, écume aux lèvres et toutes griffes dehors, elle se jeta littéralement sur un Juju complètement groggy. Elle lui asséna un coup de poing bien senti en plein menton. Ne pouvant laisser cet acte impuni, je lui lançai :
- Joli coup pour un travelo ! Mais attend un peu de voir ça !
A l'instar d'un Chuck Norris au sommet de son art, je décochai un surpuissant coup de pied directement sur la poitrine d'Amanda. Le travesti alla rejoindre à terre Hamid qui gisait dans une mare de vomi mêlée de sang. L'hostilité de la foule à mon égard grandit instantanément -mais vous n'êtes pas sans savoir qu'une foule est par définition obtuse et irréfléchie. Dare-dare, je pris Juju par le bras et le traîna tant bien que mal vers la sortie. Une fois dehors, nous nous fondîmes dans la masse de gens éméchés qui avait pris possession du quartier. Nous étions sains et saufs ; je débordai de joie.
 - Ta gerbe nous a sauvé la vie Juju !!!
Juju semblait partager ma joie mais peinait à l'exprimer du fait de la quantité astronomique d'alcool qui coulait dans ses veines. Après un long effort, il finit par lâcher :
- A...allons b-b-boire une...........................une bière.
Et nous repartîmes de plus belle vers le premier bar venu afin d'arroser notre éclatante victoire. Sophie, Erika et Elisabeth nous rejoignirent un peu plus tard, quelque peu fâchées. Quant à savoir si Amanda était équipée ou non d'un sexe masculin, je vous avouerai que je n'en ai plus le moindre souvenir.


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