En -435, au cours d’un exil qui
l’affecte profondément, le philosophe Empédocle se
jette dans le cratère bouillonnant de l’Etna. La légende prétend qu’on retrouva
une de ses sandales. Après une tentative d’empoisonnement sur la personne de
Frédéric II de Hohenstaufen, Pietro Della Vigna,
homme politique sicilien, se fait crever les yeux. Humilié et moqué, il finit
par s’éclater la tête sur les murs de sa prison, en 1249. Au XVIe siècle, le
maître de thé japonais Sen, en disgrâce
auprès du Premier Ministre, se fait seppuku, dépose ses viscères sur un
plateau, et ordonne qu’on les montre au responsable de son suicide.
Ravagé par
une ambition démesurée et déçu de n’être pas nommé à des postes encore plus
prestigieux, le Marquis Jacques de Silly
se jette par la fenêtre de son château natal et se noie dans les douves, en
1727. Victime d’une chute de cheval qui lui fit perdre la raison, le poète Nicolas Gilbert,
30 ans, devient paranoïaque et avale la clé du coffre qui contenait sa
production poétique, en 1780. Le moraliste Nicolas de Chamfort,
pourchassé lors de la Terreur en 1793, se rate au pistolet, se rate au rasoir,
se fouille la poitrine, les jambes, se castre. Il mourra cinq mois plus tard
dans d’atroces souffrances. Atteint de névralgie, l’écrivain Jan Potocki se
tire une balle dans la tête en 1815 : pratique courante, à ceci près qu’il
utilise une balle en argent et la fait bénir « au cas où Dieu
existerait ». En 1820, le roi d’Haïti, Henri Christophe,
qui avait toujours un petit revolver attaché autour du cou, se tire une balle
en or dans le cœur. En juillet 1859, l’écrivain français Petrus Borel
s’obstine à travailler la terre, malgré le soleil à son zénith. Ses proches
l’obligent à se mettre à l’ombre, il ne veut rien entendre. Il meurt d’une
insolation foudroyante. Suite à une chute, l’acrobate irlandais Thomas Hanlon
devient fou. Il est interné. Le 5 avril 1868, rendu dément par des douleurs
intolérables, il réalise des sauts périlleux dans sa chambre, en retombant
volontairement tête la première sur un tuyau en fonte. Il lui faudra dix-sept
sauts pour en finir. Le poète et dramaturge Armand Barthet,
décrit comme arrogant et provocateur, perd la raison après un mariage raté. En
1874, alors qu’il est interné à l’asile d’Ivry-sur-Seine, il met fin à ses
jours en s’émasculant à l’aide d’un rasoir. En 1886, des ouvriers grévistes
sont chargés par la police. Quelques jours plus tard, des anarchistes défient
les forces de l’ordre et lancent une bombe, qui fera sept morts chez les
policiers. L’un des auteurs, Louis Lingg, 23
ans, est condamné à la pendaison. Refusant cette fin dégradante, il glisse un
bâton de dynamite dans sa bouche et le fait exploser. Condamné par contumace
pour complot contre l’État, le général Georges Boulanger
doit affronter une autre épreuve : la mort de sa maîtresse. Le 30
septembre 1891, il se tire une balle dans la tête sur la tombe de sa
bien-aimée, au cimetière d’Ixelles. La militante féministe anglaise Emily Davison,
qui lutte pour le droit de vote des femmes, est une habituée des actions coup
de poing. En 1913, à l’âge de 40 ans, elle se précipite sous le cheval de
George V, lors du derby d’Epsom. En 1915, les troupes américaines envahissent
Haïti. Indigné par cet impérialisme et par la traque féroce contre les
résistants, le poète Edmond Laforest
s’attache un dictionnaire Larousse autour du cou et se jette dans sa piscine.
Revenant d’Angleterre à bord de son avion privé, le milliardaire belge Alfred Lœwenstein
s’évapore purement et simplement lors de la traversée. Son pilote est
incrédule. Pourtant, on retrouve le corps du banquier dans les eaux françaises
le 19 juillet 1928. Dépressif, il a sauté en plein vol sans que personne ne
s’en aperçoive. Le 2 décembre 1929, l’inventeur autrichien Karl Czerny
prépare un suicide peu commun. Il relie le mécanisme de son réveil à un fil
attaché au bouchon qui obture l’arrivée du gaz. Le lendemain matin, à l’heure
où la sonnerie se déclenche, le fil s’enroule autour de la clé, tire sur le
bouchon et libère le gaz qui l’asphyxie. Le 19 juin 1930, alors que le
vernissage de sa nouvelle exposition est prévu le lendemain, le peintre Jules Pascin
s’ouvre les veines des deux bras et écrit sur le mur avec son sang « Adieu
Lucy », prénom de sa maîtresse. Comme la mort ne vient pas, il trempe ses
bras dans l’eau chaude puis, de guerre lasse, se pend à une poignée de porte.
Ignorée par le public comme par les producteurs, l’actrice américaine Peg Entwistle
choisit une mort symbolique. Elle saute du haut de la dernière lettre de
l’inscription HOLLYWOODLAND à Los Angeles, en septembre 1932. Comble du destin,
son oncle reçoit quelques jours plus tard une proposition de rôle pour
elle : le personnage principal, qu’elle était censée incarner, se suicide
au dernier acte. Après le suicide de son fils en 1932, l’écrivain autrichien Gustav Meyrink,
auteur du Golem n’a plus la force de vivre. Il s’assoit dans son
fauteuil, torse nu, devant une fenêtre ouverte, en plein mois de décembre.
Après avoir séjourné dans une maison de repos pour cause de surmenage, le
comédien Paul
McCullough va mieux. En mars 1936, son acolyte Bobby Clark, avec lequel il
forme un duo comique vient le chercher pour le raccompagner chez lui. En
chemin, ils passent chez le barbier. Après avoir plaisanté avec lui, Paul se
saisit de son coupe-choux et se tranche la gorge. Malgré sa profession de psychiatre,
l’américain Monroe
Meyer montre des signes de fragilité nerveuse. Le 27 février 1939, il se
tue sauvagement en se plantant un pic à glace dans le cœur. Samuel Vaughan,
avocat et homme d’affaires américain richissime, est effondré. Il apparaît au
grand jour qu’une de ses œuvres de charité dissimule des opérations
frauduleuses. Il met fin à ses jours le 7 avril 1950 en se tirant une balle
dans la bouche avec l’arme qui sert à donner le départ des régates du
yacht-club. Connue pour se faire sectionner l’œil dans le film Un chien
andalou de Buñuel, Simone Mareuil
est touchée de plein fouet par l’apparition du cinéma parlant. En octobre 1954,
elle met le feu à ses vêtements et répond à un voisin qui veut la sauver
« Laissez-moi, je vous en prie. Je veux mourir ». Bijoutier
milliardaire, Sam
Resnick apprend qu’il est atteint d’un cancer incurable. Au lieu de mettre
fin à ses jours de sa propre main, il engage par petite annonce quatre chômeurs
qui l’étranglent avec un nœud coulant, en 1962. Pour protester contre le
président catholique Diem, le bonze vietnamien Quang-Duc ne
recule devant rien. Le 11 juin 1963, il s’assoit au milieu d’un carrefour, se
fait asperger d’essence et immoler. Le 25 novembre 1970, le sulfureux écrivain
japonais Yukio
Mishima harangue les soldats d’une base militaire sur les valeurs du Japon
éternel. Hué, l’auteur effectue le fameux seppuku traditionnel. L’un des
membres de sa milice nationaliste « La Société du Bouclier »,
l’achèvera en le décapitant. En 1970, le poète d’origine haïtienne Ruben François
s’installe au Québec. Quatre ans plus tard, il se suicide en pleine rue à
Montréal en s’auto-immolant. Il avait 29 ans. Le 15 juillet 1974, la
présentatrice de télé américaine Chris Chubbuck
fait une annonce en direct aux téléspectateurs : « Vous allez
assister à la première d’un suicide ». Elle sort alors un revolver et se
tire une balle dans la tête. Le 25 septembre 1977, l’esthète et dandy Philippe Jullian
se pend avec sa cravate au crochet d’une porte. Le 8 janvier 1982, le poète Fabrice Graveraux se
rend à la soirée qu’a organisée son ex-compagne à Viareggio. Après avoir fait
une scène, il se tranche les veines devant les invités et disparaît dans la
nuit. Le lendemain, il est découvert mort sur une avenue de tilleuls dont il
avait envoyé une photographie à chacun de ses amis. L’économiste américain Leonard Ross,
conseiller du président Carter, est en proie à de violentes crises de
mélancolie. Il se noie dans la piscine du Capri Motel de Santa Clara, en mai
1985. Jeune homme raffiné et autodestructeur, le chroniqueur rock Alain Pacadis
est témoin des riches heures de la musique électrique des années 70/80. Le 12
décembre 1986, en rentrant d’une soirée, il demande à son compagnon transsexuel
de l’étrangler. Le 22 janvier 1987, Budd Dwyer organise une conférence
de presse, suite aux accusations de corruptions qui le visent. Au beau milieu
de son discours, il sort une enveloppe contenant un 357 Magnum et se tire une
balle dans la bouche. La vidéo de ce suicide en direct est disponible sur de
nombreux sites internet. Brillant danseur et chorégraphe d’origine bulgare, Bantcho Bantchevsky
avait fui le communisme pour les États-Unis en 1950. Pendant l’entracte de la
représentation du Macbeth de Verdi, donné au Metropolitan Opera
House de New York, le 23 janvier 1988, il se jette du balcon et s’écrase sur
les fauteuils d’orchestre. Le 17 février 1989, alors qu’il doit donner une
série de leçons de danse, le maître de ballet russe Boris Sinitsyn
se jette à travers la vitre du 35e étage d’une des Galaxy Towers, à
Guttenberg dans le New Jersey. Impliqué dans une affaire de financement
occulte, le maire socialiste de Saint-Sébastien-sur-Loire, Yves Laurent,
met fin à ses jours le 13 septembre 1991. Il s’attache à l’arrière de sa
voiture et la fait exploser avec une bonbonne de gaz. Le 10 juillet 1993,
l’international de rugby Armand Vaquerin
propose à l’un des clients du Bar des Amis, à Béziers, une partie de roulette
russe. Devant son refus, le joueur décide d’y jouer tout seul, et se tire une
balle de Smith & Wesson. Le 24 août 1994, le pilote de ligne marocain Lounès Khayati
provoque volontairement le crash de son avion. 44 passagers étaient à bord.
L’écrivain de romans policiers américain Eugene Izzi, qui
se plaignait d’être pourchassé par les milices paramilitaires de l’Indiana, est
retrouvé pendu à la fenêtre de son bureau de Chicago le 7 décembre 1996. Son
corps est vêtu d’un gilet pare-balles, et l’on retrouve dans ses poches des
disquettes contenant le manuscrit d’un roman dans lequel le personnage
principal est menacé par les milices paramilitaires de l’Indiana, qui tentent
de le pendre dans son appartement. La police est persuadée qu’il a mis en scène
son suicide. Le 4 octobre 1999, le peintre Bernard Buffet
se donne la mort en se couvrant la tête d’un sac plastique, sur lequel il avait
écrit son propre nom. Le 21 mai 2013, l’historien Dominique Venner
pénètre dans la Cathédrale Notre-Dame de Paris, se place devant l’autel et,
devant une foule de touristes, se tire une balle de pistolet dans la bouche. Il
entendait protester contre la décadence de la civilisation européenne.
Source : F. de Negroni, C.
Moncel, Le Suicidologe, Le Castor Astral, 1997 + Recherches personnelles
Photo : Man Ray, Suicide.
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