mardi 29 juillet 2014

La terrible histoire du sperme cauchemardesque 2/2

Résumé de l'épisode précédent : Sam, ami de longue date de Barbarossa et critique cinéma de renom, lui confie un terrible secret. Chaque nuit, il est la proie d'un même et horrible cauchemar au terme duquel il se réveille le visage couvert de sperme. Afin de couper court à cette terrible malédiction, Barbarossa décide d'utiliser sa machine à explorer les rêves...


De retour chez Sam, je m'empressai de m'excuser :
- Désolé mec pour le temps d'attente. Le bus avait du retard et j'ai galéré à faire rentrer puis à faire sortir ma machine. Pas une personne pour m'aider. C'est vraiment "chacun pour sa gueule" de nos jours.
Sam répondit que cela n'était pas grave et que c'était déjà fort urbain de ma part de vouloir l'aider. Le malheureux était dans sa cuisine en train de préparer du café. Mon sang ne fit qu'un tour :
- Mais bordel, qu'est-ce que t'es en train de faire ?! Il ne faut pas que tu consommes de boissons excitantes, sinon tu n'arriveras jamais à t'endormir !
- Je sais...pardonne-moi Barbarossa. C'est que j'ai la FROUSSE de m'endormir ; l'idée de subir à nouveau ce cauchemar m'angoisse tellement...Mais tu as raison, il faut que je sois fort.
Sam se mit à pleurer. Je le pris dans mes bras et lui chuchotai dans l'oreille :
- Ca va bien se passer Sam, je te le promets. Tu vas retrouver tout doucement les bras de Morphée et je mettrai fin à ces cauchemars dès ce soir grâce à ma machine. Pour t'endormir, tu as le choix entre Shoah de Claude Lanzmann, Il était une fois en Amérique de Sergio Leone ou La bûche de Danièle Thompson...
Sam essuya ses larmes et souffla :
- Shoah s'il te plaît. C'est plus efficace qu'un somnifère trempé dans du chloroforme. 
Je l'installai confortablement dans son fauteil, le couvris de la taille aux pieds d'un plaid blanc cassé Ofelia de chez Ikea et lui servit une infusion à la camomille La Tisanière. Shoah pouvait commencer.

Au bout d'une demi-heure seulement, Sam était au pays des songes. Ma machine à explorer les rêves était munie de deux casques : un pour le sujet inconscient en phase de sommeil et l'autre pour le sujet conscient souhait pénétrer dans le rêve du premier sujet. Derechef, je plaçai les casques sur mon chef et sur celui de Sam, et enclenchai le convecteur neuropshychique. De la machine jaillit des étincelles (comme toutes les machines qui servent à explorer quelque chose) et, en un claquement de doigts, je fus dans l'insconcient de Sam.

Je me trouvai dans un salle de cinéma gigantesque mais déserte, à l'exception de Sam installé au tout premier rang. Tout se déroulait comme il me l'avait décrit : on y projetai le plan fixe d'un zob aux dimensions homériques se faisant inlassablement branler par une poigne de fer. Je courus vers Sam. Ses yeux étaient exorbités, de sa bouche écumait de la bave et tout son visage était déformé par un rictus d'effroi.
- Oh mon Dieu !!! Sam, c'est moi ! C'est Barbarossa ! Tout va bien se passer, je suis là !
Aucune réaction. Sam était comme lobotomisé.
Soudain, un rire discret mais sinistre retentit du fond de la salle. Je me retournai et aperçus la silhouette d'un homme petit de taille, aux épaules voûtées et au crâne dégarni. Autre signe distinctif, il fumait un cigare dont les volutes emplissaient peu à peu la salle par petits groupes de nuages. Le petit homme marmonna quelques mots incompréhensibles puis se leva. Il se dirigea vers le premier rang ; je décidai alors de me cacher. Très vite, je le vis nettement : il ressemblait à un vieil oiseau folâtre avec son nez en forme de bec et ses petites touffes de cheveux ébouriffés, pareilles à des plumes en pagaille. Parlant d'une voix presqu'éteinte, flanqué d'un cheveu sur la langue et d'un accent suisse à couper au couteau, cet étrange personnage semblait soliloquer ; en réalité, il parlait au labrador qu'il traînait en laisse.
- Ils ne comprennent rien, ma petite Spinee. Ce sont des analphabètes, des ignares, des jobards. S'ils veulent voir les colombins de Tarantino et compagnie, eh bien, qu'ils aillent au diable. Godard déstructure, Godard déconstruit, Godard opère une refonte du langage cinématographique. J'emmerde tous ces critiques. Tu iras leur uriner dessus en levant ta petite papatte arrière, hein, ma petite Spinee ? Oh que tu es beau mon toutou ! Tu me fais penser à Ann Wiazemsky que j'ai filmé dans One plus one...

Le grand masturbateur du 7e art
Oh mon Dieu, c'était bien lui : Jean-Luc Godard ! Tout était clair à présent : au plus profond de son psyché, Sam était encore traumatisé par le visionnage de son dernier film Adieu au langage lors du Festival de Cannes.
L'air extrêmement ravi, Jean-Luc Godard se plaça en face de Sam et commença à ouvrir sa braguette. Bonté divine ! Il baissa son pantalon et sortit de son slip son sexe tout fripé ! Son sourire se fit démoniaque.
- Regarde donc ça ma belle Spinee ! dit-il en se masturbant frénétiquement. Ils vont tous se le prendre en pleine gueule mon génie avant-gardiste !
Ni une ni deux, je bondis hors de ma cachette et asséna un puissant direct du droit au réalisateur de A bout de souffle. Il voltigea sur le grand écran qu'il crevât dans sa chute. Le vieux bougre se ne démonta pas et, le choc rapidement encaissé, il se leva puis me sauta à la gorge. M'étranglant de ses mains ridées, il éructa :
- CREVE FAQUIN !!! CREEEEEEEEEEEEVE !!!
Godard était assurément coriace mais je l'étais davantage. Je lui portai un coup de genou bien senti dans ses parties qui se balançait toujours à l'air libre ; il tomba aussitôt à terre. Je me jetai sur lui et bombardai son visage d'une rafale de coups de poings. Au bout de quelques instants, Jean-Luc Godard, la face tuméfiée et sanguinolente, était totalement neutralisé, inconscient, KO, kapout, HS, finito. Game over, la partie est terminée, t'aurais jamais dû toucher une caméra de ta vie Jean-Luc. Vlaaa !

Sam sortit brusquement de sa torpeur, complètement hagard. Je l'aidai à se lever. Nous nous dirigeâmes en toute hâte vers la sortie. Le rêve s'acheva et nous retrouvâmes la réalité. Sam me félicita chaleureusement et déboucha du champagne afin de célébrer la fin de la terrible malédiction du sperme cauchemardesque. Nous regardâmes la suite de Shoah mais, hélas, au bout d'à peine une demi-heure, nous nous endormîmes.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire