vendredi 24 mai 2013

Chroniques de France - Le concert "Talents de demain" 1/2


C'était hier matin. J'ingurgitai goulûment des oeufs crus après avoir effectuer une trentaine de pompes, lorsque mon portable sonnât. "Allô Barbarossa ? C'est Gwen ! Je n'te dérange pas ?" Gwen est une amie, étudiante en sociologie, membre des Jeunesses Socialistes. On pourrait aisément la classer dans la catégorie des néo-hippies. Elle aime porter des sarouels, des chèches et des bijoux ethniques. "Y a un concert ce soir à la salle Rosa Luxembourg. C'est deux euros l'entrée. Les consos sont aussi à deux euros. C'est un concert avec plein d'artistes différents, des "jeunes talents". Et dans plusieurs styles différents : chanson, ska, rap...C'est à 20h30. Je devais y aller avec Romain mais il m'a posé un lapin le connard. Du coup j'ai pensé à toi..." Ma foi, pourquoi pas me dis-je. Il ne faut jamais craché sur une soirée où la bière est à deux euros. "Ok poulette, ça marche je serai là."

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Me voilà le soir-même rue Blanqui. Plus précisément rue Adolphe Blanqui, dit l'Enfermé, le révolutionnaire socialiste, et non Jérôme-Adolphe Blanqui, son grand frère, économiste d'obédience libérale. La salle de spectacle Rosa Luxembourg se situe à l'orée d'un "quartier populaire" -pour reprendre une terminologie chérie par les médias- où réside ma pote Gwen. Il est 20h25 ; j'attends la donzelle en fumant une clope élégamment roulée. Il y a du monde devant l'entrée entre les gens venus assister au concert et des jeunes à capuche du cru qui "tiennent le mur". Gwen déboule peu après et c'est parti pour la "Soirée Talents de Demain" organisée par l'association "Culture Extensive" avec le soutien de la municipalité.

Pendant qu'un bénévole barbu de "Culture Extensive" me prépare une première bière rapidement commandée, j'analyse l'assistance. Beaucoup de têtes d'étudiants, dont quelques néo-hippies tendance punk à chien, quelques vétéro-hippies aussi, qui ont eu la chance de connaître le PCF à 20%. Des têtes de fonctionnaires, de cultureux quadras électeurs de François Hollande. Enfin, quelques fans de hip-hop, si j'en juge pour leur accoutrement. 20h35, le spectacle commence. Titou entre en scène avec sa guitare sèche, flanqué d'un percussioniste et d'une accordéoniste. S'il échoue à percer dans le monde impitoyable de la musique, Titou peut sans souci se lancer dans la carrière de sosie oficielle de Manu Chao, tant la ressemblance est frappante. Après quelques accords enjoués, il entonne "La vie est si pleine de couleurs, un aaaaarc-en-ciel riche de diversité...". Musicalement, ça sonne comme du Tryo ou les Ogres de Barback, le genre de musique qui cartonnait il y a 10 ans dans tous les lycées de France et de Navarre. Très vite, ça me casse les oreilles. Ca se veut gai, optismiste, gros d'un bonheur communicatif, mais ça pue la mièvrerie et les bons sentiments. J'ai plus 16 ans merde ! Même Gwen qui pourtant, vestimentairement parlant, est en osmose avec Titou et sa bande (sarouel, chèche, bijoux ethniques), fait la moue et semble se faire chier. Dieu merci, la bière est pas chère. Certes, c'est de la vieille Jupiler coupée qui sent les pieds, mais c'est mieux que de l'eau. J'achève ma deuxième pinte quand Titou achève sa prestation. Vingt minutes d'accords syncopés sur fond de percus africaines, nappés ça et là de sons poussivement sortis d'un pénible accordéon, sur lesquels était perroré que le monde irait mieux si l'on se donnait tous la main et faisait tomber les murs de la différence...Merci bien !

Le groupe "le SKA'phandre et le noeud papillon" prend la relève. Dress-code : costume-noeud pap'. Une trompette, un trombone, un saxo alto, une batterie, une basse et une guitare-voix : pas de doute, ce sera du ska. Et ma foi, du bon ska, qui met bien la pêche. La salle peu sensible dans son ensemble à la musique de Titou, commence à danser, à chahuter. Niveau paroles, j'ai pigé que dalle à ce que le chanteur-guitariste -littéralement hystérique- éructait dans le micro. Troisième bière éclusée, je suis à présent dans l'ambiance. Gwen aussi manifestement, prenant part à un début de pogo initié par un groupe de punks à chien attirés par le charme "bohême" de la demoiselle. Vingt minutes de ska, clos sur une reprise d'I Feel Good de James Brown, c'est bien. C'est suffisant même ; au-delà, ç'aurait été vite barbant.

La salle Rosa Luxemburg est à présent chaude. Un dénommé Antonin entre en piste. Grand escogriffe à l'attitude nonchalante, celui-ci est vêtu d'un grand pull à col roulé vert-de-gris et d'un jean's délavé savamment troué. Il est accompagné d'un type orné d'une grosse cheveleure frisée assis derrière un synthé. "Désarmé par les nuages qui s'ammoncellent sur mon existence, je prends le large en dépit d'une escarcelle victime de béance" psalmodie sans crier gare l'indolent Antonin sur de fragiles arpèges de piano. L'ambiance retombe aussi sec. Seule une quatrième Jupiler me retient d'exploser de rire à l'écoute du slam neurasthénique et pseudo-poétique du "talent de demain". A mes côtés, Gwen semble pénétrée par la puissance des chansons de ce Baudelaire du XXIe siècle. Je décide de sortir le temps de m'en griller une. Dehors, un capiteux nuage de weed surplombe la dizaine de personnes postée sur le trottoir. A peine ma clope allumé, un mec -Anglais d'après son accent- se rue vers moi et tente de subtiliser ma bière. Arrière malheureux ! Je l'insulte copieusement tout en évitant de trop m'énerver. Le sinistre bougre m'a l'air d'être complétement bourré ou défoncé -voire les deux- et file rapidement emmerder d'autres personnes. L'essentiel est que la bière soit restée mienne...
BARBAROSSA


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