vendredi 16 août 2013

Interview exclusive de Christiane Taubira


C’est dans son appartement personnel, situé dans un quartier cossu de la capitale, que la Garde des Sceaux nous reçoit. Par mesure de précaution, et comme Madame le Ministre est actuellement la cible d’un acharnement indigne d’une République telle que la nôtre, nous ne pouvons révéler l’adresse précise de son domicile. Nous sommes accueillis dans un immense vestibule tout en dorures. Son majordome nous prie de patienter quelques instants. Il nous indique que Madame le Ministre est au téléphone avec le Premier Ministre en personne. Au bout d’un bon quart d’heure, nous sommes invités à pénétrer dans le salon, vaste pièce remplie d’œuvres d’art et de bibelots de grande valeur.

Madame le Ministre nous reçoit dans son salon

Christiane Taubira trône sur un canapé en velours sombre, une flûte de Cristal Roederer à la main. « Bonjour Messieurs. Toutes mes excuses, j’étais en communication avec Son Excellence Jean-Marc Ayrault. Installez-vous, je vous en prie. Je n’ai pas beaucoup de temps à vous accorder hélas. Je suis invitée à une tenue blanche du Droit Humain qui porte sur le thème « Faut-il fermer les prisons ? » (ndlr : Christiane Taubira s’investit beaucoup dans la vie maçonnique. Elle a été initiée dans sa jeunesse à la loge « Les Sœurs Sourire » du Grand Orient de Cayenne et appartiendrait désormais à la loge parisienne « Les Amies de Saint-Just »). Après les révérences de circonstance, nous commençons fébrilement notre entretien.


Le Fumoir : Vous êtes en ce moment sous le feu des critiques de la droite qui vous reproche un certain laxisme. Que répondez-vous à ceux qui vous accusent de faire le jeu des délinquants ?

Son Excellence Madame le Ministre : Vous commettez une première erreur grossière. La Justice n’est pas là pour sanctionner les délinquants. Nous ne sommes pas en Corée du Nord si je ne m’abuse ! Que de jeunes individus victimes de discriminations en tous genres se montrent un peu rugueux dans leurs relations avec la société, je n’y vois rien à redire. La Justice doit les aider à se réinsérer dans les meilleures conditions, et en aucun cas les punir pour leurs actes soit-disant délictueux, qui sont la marque d’un amour maladroit pour leur prochain. Quant à la droite fascisante, elle s’exclut de fait du champ républicain en lançant de telles allégations. Monsieur Sarkozy n’a cessé de monter les Français les uns contre les autres. Lui et son gouvernement ont abîmé la France durant cinq longues années, en faisant voter des lois scandaleuses comme les peines plancher qui sont une honte pour notre République. A ces mots, Christiane Taubira se tourne, visiblement émue, vers le buste de la Marianne maçonnique de Jacques France, placé sur la tablette de la cheminée.

Pourtant, sauf votre respect, certains délinquants semblent être jugés avec une certaine indulgence : quelques mois avec sursis pour des agressions violentes, alors que le jeune manifestant contre le Mariage pour Tous est resté un mois en prison pour avoir refusé un prélèvement d’ADN. Beaucoup de Français se posent des questions…

Il n’y a aucune raison de s’indigner. Je viens à l’instant de vous expliquer que les jeunes individus que vous évoquez avec mépris ont certaines circonstances atténuantes qui peuvent légitimement expliquer leur comportement un peu particulier. Le jeune manifestant dont vous parlez, issu de l’extrême droite, catholique de surcroît, n’avait aucune excuse pour manifester devant le siège de M6 lors de la venue du Très Excellent Président de La République Française. Il est donc bien normal qu’un tel individu, mettant en péril la République ainsi que la Laïcité, soit sanctionné à la mesure de ses actes. D’ailleurs, sa peine n’a pas été bien sévère.

Rassemblement de délinquants

Ces derniers mois, plusieurs faits divers ont attiré l’attention. Les incidents du Trocadéro, les pillages des victimes de l’accident ferroviaire de Brétigny-sur-Orge, les émeutes de Trappes, un élève ingénieur frappé mortellement et gratuitement à la sortie d’une soirée, un jeune homme égorgé sauvagement alors qu’il allait accueillir une amie à la gare Saint-Charles de Marseille, un récidiviste à peine sorti de prison qui passe à tabac deux femmes, dont l’une est dans le coma. Comprenez-vous que certains Français perdent patience devant un tel déchaînement de violence inexplicable ?

Non, je ne comprends pas. C’est faire preuve d’un manque total d’empathie et d’un égoïsme à peine imaginable. Comment pouvez-vous reprocher à ces personnes leurs actes sachant ce qu’elles endurent au quotidien ? Certes, il arrive quelquefois que ces individus tuent par mégarde un passant ou que leur amour débordant pour la gent féminine les pousse à des atteintes sexuelles peu élégantes, mais une République digne de ce nom se doit de venir en aide à ces gens qui font, ne vous en déplaise, partie intégrante de notre société. Et ce n’est pas votre liste de « faits divers » trafiqués qui me fera changer d’avis. Pourquoi n’avez-vous pas évoqué le cas de Varg Vikernes, ce dangereux néonazi norvégien qui vient s’installer en France et préparer des attentats ? Bon, l’enquête a prouvé qu’il n’en préparait pas, mais c’est son existence même qui est une offense à la République. On n’a rien trouvé pour cette fois, mais il ne perd rien pour attendre. Et ce militaire qui voulait s’en prendre à une mosquée ? Pas un mot de votre part ? Bizarres, vos accusations à géométrie variable. Nous en parlions encore il y a dix minutes avec l’Excellent Premier Ministre de la République Française. Qui s’attaque à l’islam ou au judaïsme s’attaque à la République. Qui s’attaque à la République s’attaque à l’Humanité.

Et l’affaire Clément Méric, qui a eu un retentissement sans précédent dans les médias ? L’enquête a prouvé que, contrairement à ce que l’ensemble des journalistes et de la classe politique avait affirmé, c’est Clément Méric lui-même qui a voulu en découdre avec les skinheads. Lorsqu’il a voulu frapper Esteban Morillo par-derrière, celui-ci s’est défendu et lui a asséné un coup de poing, qui s’est trouvé être mortel. Comment une telle désinformation a-t-elle pu durer aussi longtemps ?

Emue aux larmes, Christiane Taubira nous demande un moment avant de continuer l’entretien. Sans cœur ! Vous devriez mourir de honte ! Un jeune homme dans la force de l’âge est mort dans des circonstances affreuses, et vous cherchez des clous dans la paille ! Vous défendez à demi-mots cette engeance immonde, ces nazillons incultes, cette vermine ! Evidemment que ce sont eux qui ont commencé. Par leur attitude, leurs vêtements, leurs tatouages, que sais-je ? Leur présence à cette vente de vêtements était en elle-même une provocation insupportable pour le jeune Clément Méric et ses amis, qui s’étaient promis de défendre envers et contre tout la République, notre bien-aimée République. Madame le Ministre s’interrompt à nouveau, la voix brisée par les sanglots. Elle nous montre un cadre au mur que nous n’avions pas remarqué à notre arrivée. Clément Méric y figure, tout sourire. Au bas de la photo, la mention « Pour toujours dans nos cœurs. No pasaran ! ». Cette histoire est la pire catastrophe de ces quinze dernières années en France, avec le 21 avril 2002, et vous osez insinuer que les médias auraient volontairement caché la vérité ? Le vrai scandale, c’est cette enquête baclée. Cette histoire de vidéosurveillance, je n’y crois pas. Comment des caméras ont-elles pu filmer aussi distinctement une bagarre ? Ca ne tient pas debout une seconde. Toujours pour faire croire que les torts sont partagés. Eh bien non ! Les torts sont dans un camp, point final.

Que pensez-vous de la cote de popularité de François Hollande et Jean-Marc Ayrault, très basse, et celle de Marine Le Pen, très haute ?

D’abord, on dit « Le Très Excellent Président de la République Française » et « L’Excellent Premier Ministre de la République Française ». Ensuite, que voulez-vous que je pense d’une bande d’extrémistes fanatiques qui veulent voir peser sur la République un joug totalitaire qui nous rappellerait LesHeuresLesPlusSombresDeNotreHistoire© ? Les Français ne méritent pas le gouvernement actuel. Dans leurs cervelles rabougries, ils considèrent la blondasse hitlérienne comme l’ultime recours au déclin de la « Nation ». En prononçant ce mot, Madame le Ministre fait mine de cracher par terre. Allez-y, votez en masse pour cet immonde personnage. De toute façon, elle ne pourra pas gouverner. C’est mathématique : manifestations + émeutes + sanctions de l’Union Européenne + sanctions économiques = pays ingouvernable. Toute cette masse de crétins ne pense même pas à ça. Obsédés par leur haine de l’autre et leur intolérance crasse, ils ne voient pas plus loin que le bout de leur nez. En ce qui concerne la cote de mes bien-aimés supérieurs, que vous et vous seuls considérez comme basse, elle ne tardera pas à remonter, quand les Français prendront conscience du bien-fondé de nos actions. Gardez à l’esprit que les pays, en tant que nations souveraines, ne tarderont pas à se dissoudre intégralement. Nous appelons de nos vœux une Europe fédérale, régie par un gouvernement unique, en attendant le projet final : le Gouvernement Mondial. La fin des nations, mais aussi des particularismes, des différences, des ethnies, des sexes. Une planète enfin unifiée, dirigée par une élite cosmopolite, qui aura reçu la Lumière. Madame le Ministre entre dans une exaltation quasi-messianique. Son regard inquiétant nous indique la porte de sortie de son salon gigantesque. Elle part dans un éclat de rire machiavélique, alors que nous quittons la pièce, raccompagnés par le majordome impavide.

Le changement, c'est maintenant

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