Depuis sa mise en ligne ce lundi, Toute la vie, le nouveau single des Enfoirés, suscite la polémique sur les réseaux sociaux. La chanson est accusée d’être réactionnaire et « anti-jeune ». Ecrite et composée par Jean-Jacques Goldman, elle met en scène un dialogue intergénérationnel. Les adolescents reprochent aux adultes de s’être égoïstement gavés dans le monde de l’avant-crise, en ne leur laissant que des miettes. « Vous aviez tout : paix, liberté, plein emploi. Nous c’est chômage, violence, sida » protestent les jeunes, via la voix de choristes. « Tout ce qu’on a, il a fallu le gagner. A vous de jouer, mais faudrait vous bouger », ripostent les seconds, interprétés par les Enfoirés.
D’emblée,
désamorçons la polémique qui est nulle et non avenue. Vendredi, Jean-Jacques
Goldman a publié un communiqué pour défendre sa chanson. D’après lui, point
d’anti-jeunisme mais simplement « des adolescents qui reprochent aux
générations qui les ont précédés l’état du monde qu’ils leur laissent :
pollution, chômage, violence, dette, misère ». Et l’auteur de Quand la musique est bonne d’ajouter :
les « adultes […] leur répondent comme trop souvent : en se
dédouanant et avec mauvaise foi, mais en espérant qu’ils feront mieux. » Toute la vie n’est donc qu’une
chanson qui traite du conflit des générations –thème classique s’il en est.
Dans ce cas, pourquoi une telle polémique ? Pourquoi un tel
malentendu ? Parce que l’exécrable qualité de la chanson réussit à brouiller un message pourtant clair
et consensuel.
Fades et
insignifiantes, les paroles semblent avoir été écrites à la va-vite. Dès la
première strophe, un non-sens vient méduser l’auditeur. « Des portes
closes et des nuages sombres, c’est notre héritage, notre horizon. Le futur et
le passé nous encombrent. Avez-vous compris la question ? »
s’exclament les jeunes. « NON », hurlent en chœur les adultes. Tout à
chacun aura relevé qu’aucune question n’a été formulée. Jean-Jacques Goldmann
se contente du minimum syndical et accouche d’une mélodie poussive et
insipide. Avec son refrain aussi
efficace qu’indigent, Toute la vie
a tout du produit standardisé et calibré pour la radio. Musicalement, la médiocrité
reste de mise. De la variété française sans âme qui cherche en vain à être dans
le vent. Ainsi peut-on entendre ça et là une guitare qui se veut funky, et des
contrechants autotunés signés –rappeur de la troupe oblige- MC Solaar. De plus,
les choristes qui incarnent la jeune génération chantent d’une voix de crécelle
réellement horripilante. A cela s’ajoutent quelques touches de ringardise
telles des nappes de synthé obsolètes
depuis quinze ans ou la coutumière vocalise finale d’Amel Bent.
Un clip
ridicule
Toute la vie est une chanson fade et à la
limite du grotesque. Une limite que son clip fait voler en éclats. On y voit la
troupe des Enfoirés faire face au groupe de jeunes choristes. Les adultes face
aux adolescents. Les deux camps se lancent dans un jeu de question-réponse tout
en chantant de concert. Dans l’un comme dans l’autre, deux attitudes
s’imposent. Soit la personne surjoue, soit elle donne l’impression de vouloir
tout, sauf être là. Par exemple, Michèle Laroque confond expression de joie et
grimace. A contrario, Maxime Leforestier a l’air tellement heureux de
participer au clip qu’il est en statique de plaisir durant quatre minutes.
Affublé d’une crête blanche que même un footballeur de L2 renierait, Mickaël
Youn n’arrive qu’à arborer un sourire niais et ahuri. Claire Keim, quant à
elle, est à deux doigts de s’agenouiller
et de pleureur pour prouver à quel point elle est impliquée et émue. Citons
également les performances de Julien Clerc dont le corps est présent mais l’esprit
ailleurs, Lââm déguisée en drag queen ou Nicolas Canteloup au playback sincère
mais raté. Le montage épileptique et les rapides mouvements de caméras
trahissent toute la peine qu’a eue le réalisateur à capter une prestation
crédible plus de dix secondes. Au final, le clip est tellement ridicule qu’il
en devient comique.
Toute la vie s’inscrit dans la lignée
des singles promotionnels publiés tous les ans par les Enfoirés, en vue de leur
tournée. Des chansons qui brillent par leur exécrabilité. Et c’est là que se trouve
le scandale. Sous prétexte d’écrire des airs populaires pour toucher le grand
public dans le cadre de l’action des Restos du coeur, Jean-Jacques Goldmann
& cie pondent systématiquement des titres bâclés, composés à l’emporte-pièce,
sans originalité et sans saveur. Il y a quelque chose de profondément
condescendant dans cette démarche. Et de quoi alimenter une autre polémique,
davantage sérieuse, qui dénonce l’hypocrisie des Enfoirés. Soit un spectacle où
des millionnaires demanderaient à des smicards de donner pour ceux qui touchent
le RSA.
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