Nabilla vs Al Qaïda

Nuisible à l'occidentale & poison à l'orientale

Il y a peu, je regardai un épisode de South Park (le neuvième de la saison 14) intitulé "C'est un truc new-jersien" -"It's a Jersey thing" en version originale. On y voyait la petite ville du Colorado menacée par l'invasion d'habitants du New Jersey qui avaient déjà conquis tout l'est des Etats-Unis. Il faut savoir que chez les Américains les personnes originaires de cet Etat représentent le beauf suprême, l'équivalent d'un croisement monstrueux entre le Ch'ti du Pas-de-Calais et le kéké des Bouches-du-Rhône. Pas le péquenot redneck de l'Amérique profonde qui partage son temps entre boire de la bière et retaper des pick-ups, pire que ça : le beauf vraiment con et fier de l'être, égocentrique en diable, qui voue sa vie à l'entretien de son corps et de son image alors qu'il incarne le mauvais goût ultime.

Le New Jersey dans toute sa splendeur (à ne pas regarder en mangeant)

La figure du piche new-jersiais a été popularisée via l'émission de téléréalité Bienvenue à Jersey Shore diffusée sur MTV de 2009 à 2012. Le monde découvrait alors, ahuri, le quotidien de huit jeunes colocataires, entre "clash futiles" et activités sans intérêt, dans la cité balnéaire de Jersey Shore. Il s'agit du sinistre ancêtre de toutes les bouses télévisuelles qui ont envahi notre TNT depuis plusieurs années (les Anges de la Téléréalité, les Ch'tis à Las Vegas, les Marseillais à Miami, les Ch'tis vs les Marseillais...). On y retrouve la même vacuité revendiquée, le même montage épileptique, la même bimbo aux gros lolos qui sort du lot (Snooki outre-Atlantique et Nabilla dans l'Hexagone) et, enfer et damnation, le même succès incompréhensible. Par exemple, la saison 6 des Anges de la Téléréalité diffusée tous les soirs à 18h15 sur NRJ12 culmine régulièrement à plus d'un million de téléspectateurs. 

Les aventures de Vanessa & Eddy en Australie sont l'équivalent de celles jadis de Paul et Virginie sur l'île Maurice

Dans l'épisode "C'est un truc new-jersien", les habitants de South Park, ne trouvant aucune solution pour contrer l'invasion du New Jersey, décident en dernier recours de faire appel à Al Qaïda. Ben Laden et ses sbires bombardent les envahisseurs qui refluent aussi sec dans leur Etat d'origine. Pour quiconque a un cerveau, le visionnage d'un seul épisode d'une émission de téléréalité de la TNT est un supplice sans nom. Même au second degré, même pour se moquer, c'est au-dessus de toute force humaine. On a beau être attaché plus que tout à la liberté d'expression, on a beau savoir qu'elle implique l'expression de la plus crasse médiocrité, quand bien même ! devant un tel néant filmé de la manière la plus obscène, il est impossible de ne pas être pris de pulsions destructrices.

Chers Djihadistes, pouvez-vous nous débarrasser de ces êtres dégénérés, s'il vous plaît ?

Si c'est ce genre de manifestations de la décadence occidentale qui ont poussé les talibans a explosé le World Trade Center, on se surprend à les comprendre. Quand Julien relate dans le confessionnal qu'il a balancé une éponge à Nelly en lui disant "Barre-toi ! Qu'est-ce que tu viens de faire ?! Tu manques de respect !!" uniquement parce qu'elle lui a pris, sans le faire exprès, le papier d'essuie-tout des mains, comment ne pas secrètement désirer qu'un kamikaze vienne en direct nous sauver de ce suicide civilisationnel ? A l'instar des habitants de South Park, le téléspectateur bafoué appelle de ses voeux l'intervention immédiate de pirates de l'air -il serait même prêt à prendre lui-même les commandes de l'avion ! Il réclame cette rigidité, cette intransigeance, cette intolérance propres aux fondamentalistes qu'il honnit en temps normal. Honteusement mais ardemment, il désire que s'abatte sur tous ces candidats de téléréalité la même fureur avec laquelle talibans et djihadistes font respecter la vertu islamique afin que la contamination des esprits occidentaux s'arrête.

Qui n'a jamais rêvé de réserver un tel sort à Jérémy Michalak (producteur des Anges de la téléréalité et de Allô Nabilla) ?

Heureusement qu'ici nous avons le choix de zapper ou de laisser la télé éteinte. C'est pas grand chose mais c'est déjà ça.