Les années 1970 sont communément perçues de nos jours comme une décennie de joie, d'insouciance et d'hédonisme. Notamment aux Etats-Unis, où l'on se prend à regretter la liberté -tant spirituelle que sexuelle- d'une époque où l'on vivait plus facilement, au son d'un funk ou d'un rock de meilleure qualité. Il y a à coup sûr du vrai là-dedans...pas mal de fantasme aussi. En effet, il est frappant de constater à quel point les années 1970 furent considérées par nombre de contemporains comme une période de déclin, annonciatrice d'un futur encore plus sombre. Outre-Atlantique, quelques artistes, et pas des moindres, cristallisèrent ce sentiment via des oeuvres passées depuis à la postérité. Taxi Driver (1976) de Martin Scorsese ou Apocalypse Now (1979) de Francis Ford Coppola, pour ne citer que les plus fameuses, présentent une Amérique en pleine crise de conscience, rongée de l'intérieur par des démons de plus en plus envahissants, qui, bien plus que de perdre son rang, craint de sombrer dans la violence et la barbarie*. Les artistes rock parmi les plus talentueux ont également rendu compte de ce sentiment. Un sentiment proche de la gueule de bois.
Neil Young est de ceux-ci. Le Canadien a connu le succès dès la seconde moitié des années 1960 avec son groupe Buffalo Spingfield (ça c'est eux). Comme l'écrasante majorité de ses collègues rockeurs, le chanteur-guitariste fut emporté par le tourbillon opiacé des sixties, avec son lot d'idéaux pacifiste, progressiste et libertaire. Une période de fête totale, non-stop et sans limte, digne des seuls dieux de l'Olympe. D'où la gueule de bois carabinée qui s'en suivit. Très vite, les excès eurent raison d'un tas d'hommes et de femmes dans la fleur de l'âge. Neil Young perdit deux de ses amis proches : le guitariste Danny Whitten (membre du Crazy Horse, formation qui l'accompagnait lorsqu'il entamât une carrière solo) et le roadie Bruce Berry, emportés par l'héroïne.